Pollençà, Islas Baleares


« Si, si, algun dia puede llover » ( « Oui, certains jours jours il pleut » )

Et ce mardi 2 décembre en est un. Et quelle pluie ! Une tempête.

Le vent souffle par rafales et la pluie fine, celle qui mouille jusqu’aux os, tombe en continu depuis deux jours, sur la région de Pollença (région agricole du Nord de l’ile de Mallorca, iles Baleares).

Depuis notre arrivée le 18 novembre à la ferme Pedruxella Gran, le temps a été au beau fixe. 

Nous sommes ici à 6oom d’altitude, au cœur de la Sierra Tramuntana, entourés de terrasse en pierres sèches, d’oliviers centenaires et de bétail en semi liberté. 
Le paysage est façonné par les pierres, il se dit ici qu’il y en aurait plus que d’étoiles dans le ciel.

Le travail d’élagage, d’entretien du bétail et du jardin d’automne occupe notre quotidien.

Tolo sera notre hôte pour ces 3 semaines.
Un mallorcain pur souche, capraghju de père en fils, qui dans ses montagnes, courrait une chèvre plus vite que Kilian Jornet. 
Un agriculteur moderne qui gère 2500 oliviers et son cheptels sur 150 hectares, avec comme seul aide, une meute de Border Collies qui obéissent au regard et quelques Wwoofers comme nous, de temps en temps.

« Il pleut, parfois, mais pas autant que ces jours si », selon lui.

Cette eau qui gorge les sols aujourd’hui et qui a tant manqué plus tôt dans l’année ; entrainant une récolte bien maigre avec 600 kg au lieu de 7 tonnes d’olives récoltées !

Les Baléares en montagne et sous la pluie, est une occasion de découvrir une autre facette de l’île. La nature est là, bien présente et démontre que c’est par sa clémence que nous pouvons cohabiter.

Les bourrasques s’engouffrent dans les branches et font siffler les oliviers. 
Mélodie que l’on entend de moins en moins dans la région du Solento (Botte de l’Italie).

Pour cause, la bactérie Xylella fastidiosa qui décime des milliers d’hectares d’oliviers dans les Pouilles, véhiculée par une cicadelle importée via des végétaux contaminés en provenance d’autres continents.

S’imaginer un paysage comme la Corse ou ici, la Sierra Tramuntana sans cet arbre tellement ancré dans le paysage et la tradition, paraît impensable. 

« Corsica un’avarai mai bé »

L’ombre de la menace plane.
Personne ne veux revivre les ravages du phylloxera ou plus récemment du cynips au sein de nos châtaigneraies.

L’importation zéro de tous végétaux extérieur à la Corse paraît la solution la plus salvatrice.  
La mer, cette fois, peut nous protéger, en tenant éloigné le foyer infectieux.
En découlera une meilleur adaptation locale des outils de productions (vigne, oliviers, fruitiers…) et une typicité accrue, en adéquation avec les cahiers des charges et leur logique évolution.

L’appellation D.O huile d’olive de Mallorca (Denominacion de Origen), pose ici un problème, et paraît une aberration pour Tolo:

« La D.O ne prend pas en compte les variétés d’arbres locales et fait la part belle aux gros producteurs de plaine qui utilise les variétés de la péninsule espagnole, plus productrice. Notre voix ne pèse pas lourd face à l’argent et au politique ».

Mais les perspectives sont là.

Avec le tourisme estival, la population des iles Baléares triple.
Il faut donc loger et nourrir trois fois plus de bouches, sur le même territoire.

Plusieurs coopératives agricoles se regroupent pour créer un label favorisant l’origine insulaire des produits de consommation quotidiens. Le projet « Kilometro 0 » est lancé, mais il prend du temps. Il faut trouver les arguments pour toucher un consommateur en crise dont le prix bas est le plus souvent le moteur d’achat.

Les fermes abandonnées sont devenus trop couteuses pour leur remise en valeur à but agricole. Alors, elles s’arrachent pour quelques millions par des investisseurs Allemands et Russes, qui les transforment en palais secondaire ou en chambre d’hôtes, répondant à la demande d’agrotourisme sur l’ile.

Et ainsi l’économie tourne. 

Le tourisme est bénéfique et nécessaire à tous ici et permet de ressentir un peu moins les secousses de la crise que sur la péninsule ibérique.

Mais ce monde est bien loin, au milieu des oliviers.